Le fondement psychothérapeutique d’Erickson est assez simple : tout homme a en lui les ressources et potentialités de son évolution. Ce chapitre présente une théorisation des stratégies ericksoniennes. Sont repris ici les 5 termes issus de la théorisation de dan Short : fragmentation, progression, distraction, réorientation et utilisation (tiré d’Espoir et résilience, Dan Short / Satas).
 


Fragmentation

Pour qu’une problématique soit résolue, les ressources doivent être plus importantes que le problème a résoudre. En le fragmentant en parties plus petites on peut le remettre en cause plus aisément. Une difficulté insondable se transforme ainsi en problèmes limités et donc plus accessibles. 

Définir précisément un problème, c’est aussi le fragmenter. Le problème, d’abord réalité floue et vague est clairement circonscrit, perd de sa nature incontrôlable ou envahissante. Il y a le problème mais aussi tout ce qui n’est pas problématique ou soluble. 



Progression

La progression est une approche qui là encore diminue l’intensité du problème en mettant en place une série de petits bénéfices. Les succès encouragent le coaché et développent la motivation a continuer le processus de changement qui se fait progressivement. Il y a ici une recherche de la plus petite indication de progrès que l’on retrouve dans la démarche orientée solution. 

Le point essentiel de cette stratégie est le temps : le client doit pouvoir concevoir que comme tout phénomène d’adaptation, la progression s’inscrit dans le temps et que les attentes doivent donc être réalistes. Cette notion est également importante pour le thérapeut qui doit lui aussi s’inscrire dans la temporalité de la résolution du problème, car la première progression peut être minime. C’est également ce processus que l’on retrouvera dans les techniques de désensibilisation progressive. 


Distraction

La distraction est un outil puissant pour désactiver des lectures d’avenir, auto-programmations négatives ou réponses conditionnés à un stimulus. Il s’agit de rompre un cercle vicieux, de détourner l’attention de situations temporaires par un questionnement ou une activité incompatible avec l’automatisme négatif. 

–   Un leurre externe à forte charge émotionnelle peut par exemple distraire la focalisation sur un état interne limitant. 

–   Le questionnement peut être stratégique, c’est-à-dire poser une autre problématique présupposant le problème résolu. En réfléchissant à la réponse, le sujet admet le problème comme résolu. 

–   L’insistance sur les détails peut également être un bon outil de distraction : absorbé dans la complexité d’un acte, on en oublie sa problématique. Il s’agit de faire focaliser le sujet sur une partie de la réalité mais en terme de succès. 


Réorientation

On trouve la réorientation, d’un point de vue général dans tout démarche de changement, puisqu’elle « est » le changement : changement de perspective qui permet d’évoluer dans la perception d’une situation présente ou d’expérience passée. Le rôle du thérapeute n’est pas d’imposer un autre point de vue mais d’élargir le spectre des possibilités. 

– L’outil de réorientation omniprésent dans l’intervention thérapeutique ou de coaching est le recadrage déjà décrit dans un chapitre précédent  : on prend les critères et variables de la réalité pour les transporter dans un cadre psychologique nouveau, qui de lui-même transpose les informations. Il s’agit donc en fait d’un reconditionnement cognitif qui permet d’accéder à d’autres manières de réagir. 

– Chef, pourrais-je quitter le bureau trois heures plus tôt, pour pouvoir aller faire des courses avec ma femme ? 

– Il n’en est pas question ! 

– Merci, Chef. Je savais que vous ne me laisseriez pas tomber.

–  Forme de recadrage, la normalisation est le processus par lequel on transforme un stimulus inquiétant en intention positive. 

– L’extériorisation est également une forme de recadrage qui consiste à réorienter le coaché pour avoir un point de vue extérieur sur la problématique. La caricature d’un comportement peut par exemple être un outil. 

– La distorsion temporelle est un une technique de réorientation : allonger la durée subjective des moments  positifs et diminuer celle des moments négatif une relecture différente de ce qui a été, est ou sera vécu. 


Utilisation

La stratégie d’utilisation, fondement de l’hypnose ericksonienne consiste à utiliser ce que le sujet propose, que ce soit fonctionnel ou dysfonctionnel. Le sujet se sent accepté et renforcé dans l’idée qu’il possède les ressources de son évolution. En utilisant même ce qui est problématique, l’individu ne se sent plus « obligée » de changer, les résistances tombent. 

– Lien simple : Le but  d’une démarche utilisationnelle est de lier l’énergie déployée à une action améliorant la situation. En d’autres termes : qu’est-ce que la personne a envie de faire (valeurs et désir) et en quoi cela peut-il lui être utile ? 

– Double lien : Dan Short décrit le double lien comme une « embuscade bienveillante ». 

Un vieil Arabe vit depuis plus de 40 ans à Chicago. Il aimerait bien planter des pommes de terre dans son jardin mais il est tout seul, vieux et trop faible. Il envoie alors un E-mail à son fils qui étudie à Paris pour lui faire part de son problème : 

« Cher Ahmed, je suis très triste car je ne peux pas planter des pommes de terre dans mon jardin. Je suis sûr que si tu étais ici avec moi tu aurais pu m’aider à retourner la terre. Je t’aime, ton Père ». 

Le lendemain, le vieil homme reçoit un E-mail :

« Cher Père, s’il te plaît, ne touche surtout pas au jardin ! J’y ai caché la « chose ». Moi aussi je t’aime. Ahmed » 

A 4 heures du matin arrivent chez le vieillard l’ US Army, les Marines, le FBI, la CIA et même une unité d’élite des Rangers. Ils fouillent tout le jardin, millimètre par millimètre et repartent déçus car ils n’ont rien trouvé. 

Le lendemain, le vieil homme reçoit un nouveau E-mail de la part de son fils :

« Cher Père, je suis certain que la terre de tout le jardin est désormais retournée et que tu peux planter tes pommes de terre. Je ne pouvais pas faire plus pour toi. Je t’aime, Ahmed »



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À propos de l’auteur

Jérôme Boutillier - Caen
- Enseignant à l'INCTB (Institut Normand de Coaching et de Thérapie Brève).
- Auteur des Manuels d'Hypnose et de Thérapie Brève
http://www.inctb.net

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